Régularisation de comptes à l’étranger : l’amende est nulle !

L’amende proportionnelle pour non déclaration d’un compte à l’étranger n’est pas conforme à la Constitution (voir le lien : www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2016/2016554qpc.htm).

Il convient donc de déterminer dans quelles conditions les contribuables peuvent en demander la restitution.

La régularisation de la situation fiscale d’un contribuable résident de France qui n’a pas déclaré son compte détenu à l’étranger peut s’effectuer à l’initiative du contribuable (notamment dans le cadre des circulaires Cazeneuve), ou à l’initiative de l’administration fiscale (par exemple parce qu’elle en est informée par une fuite,  une banque, ou une administration étrangère).

Dans tous les cas, la régularisation entraîne le rappel des impôts éludés (impôt sur le revenu, ISF, droits de donation et de succession) sur les dix dernières années (en général). Ces impositions sont assorties des intérêts de retard et de majorations pour manquement délibéré (éventuellement réduites par voie de transaction). La régularisation est aussi accompagnée d’une amende applicable sur les quatre dernières années.

Cette amende, prévue par l’article 1736 IV du CGI s’élève selon les cas à 1.500 €, à 10.000 € ou à 5% du solde créditeur du compte omis. C’est cette dernière disposition, le cas de l’amende fixée à 5%, que le Conseil Constitutionnel vient de déclarer inconstitutionnelle par une décision du 22 juillet 2016.

Or, il s’avère que cette amende proportionnelle est un des postes les plus coûteux d’une régularisation de compte détenu à l’étranger. Cette décision du Conseil Constitutionnel est donc très lourde de conséquences.

Désormais, l’administration ne pourra donc plus infliger aucune amende proportionnelle dans cette situation. Une question est alors de savoir si les contribuables qui ont déjà payé cette amende peuvent se la faire restituer.

En cas de régularisation à l’initiative de l’administration fiscale, sans transaction, la réponse est clairement positive : le Conseil Constitutionnel l’énonce ainsi dans son arrêt : l’inconstitutionnalité « est applicable aux amendes prononcées sur le fondement du paragraphe IV de l’article 1736 du CGI avant la date de la décision du Conseil Constitutionnel et qui n’ont pas donné lieu à un jugement devenu définitif ou pour lesquelles une réclamation peut encore être formée ».

En cas de régularisation spontanée à l’initiative du contribuable, une transaction a normalement été signée ; elle a pour conséquence de diminuer les majorations pour manquement délibéré de 40% à 30% ou 15% (selon que le compte est actif ou passif), et de diminuer l’amende de 5% à 3% ou 1,5%. Peut-on obtenir la restitution de cette amende malgré la signature d’une transaction ?

En première approche, non. En effet, l‘article 2052 du code civil dispose que « Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion. » L’article L 251 du LPF dispose pour sa part que « aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction. »

Des possibilités existent toutefois.

D’abord, l’article 2053 du code civil dispose que « Néanmoins, une transaction peut être rescindée , lorsqu’il y erreur dans la personne ou sur l’objet de la contestation. » Or, la jurisprudence considère que l’erreur sur l’existence même de la créance est bien une erreur sur l’objet.

Ensuite, il convient de souligner que l’administration fiscale était informée de l’existence de la QPC sur l’article 1736 IV du CGI dès janvier 2016. Depuis cette date, elle a signé des transactions avec des contribuables alors qu’elle était informée du risque d’annulation, mais sans en informer les signataires. Il s’agit pour le moins d’une entorse au devoir de loyauté qui pèse sur l’administration fiscale face au contribuable. Cette déloyauté est peut-être constitutive d’un dol, entraînant la nullité de la transaction.

Enfin, une démarche gracieuse est toujours possible pour demander à l’administration l’application d’office de la décision du Conseil Constitutionnel.

Pour terminer, il convient encore de s’interroger sur la transposition de la décision du Conseil Constitutionnel à d’autres amendes proportionnelles, notamment celles applicables en cas de défaut de déclaration d’assurance-vie ou de trust. Les mêmes motifs devraient conduire à la même inconstitutionnalité.

 

Dominique Laurant

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