TVA sur la marge et véhicules d’occasions : La TVA d’amont enfin déductible ?

Un régime qui génère une insécurité juridique

Le régime de TVA sur la marge est applicable en matière d’achat-revente aux particuliers de véhicules d’occasions. Il constitue en France un véritable nid à contentieux.

En effet, ce régime et notamment ses conditions d’éligibilité sont extrêmement complexes. De plus, l’administration délivre sans vérifications préalables des quitus fiscaux aux professionnels revendeurs de véhicules d’occasions. Il en résulte une grande insécurité juridique et de nombreuses méprises.

Ainsi, l’administration contrôle et redresse souvent ces revendeurs par la suite. Les conséquences peuvent être catastrophiques pour leur entreprise.

Longtemps, les contrôles ont ciblé exclusivement des revendeurs ayant importé les véhicules directement d’autres pays de l’Union européennes. Il s’agissait le plus souvent de véhicules en provenance d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg).

L’objectif de l’administration, louable en soi, était d’éviter que des revendeurs utilisent le régime des acquisitions intra-communautaires pour échapper à la TVA.

Une pratique abusive de l’administration fiscale

Mais aujourd’hui les redressements concernent aussi des revendeurs ayant fait leurs acquisition auprès d’un fournisseur français. Ils sont souvent détenteurs de factures mentionnant l’éligibilité à la TVA sur la marge.

Une jurisprudence du Conseil d’Etat (4 juin 2006, SA Warsemann Automobiles), a encadré cette pratique. L’administration doit établir que ces revendeurs « ne pouvaient ignorer » le caractère irrégulier de l’application du régime de la TVA sur la marge par leur fournisseur français. Il s’agit bien entendu d’une appréciation très subjective et qui ouvre la porte à tous les arbitraires.

L’administration se permet ainsi de taxer ces revendeurs au taux plein sur leurs reventes alors même qu’elle taxe concomitamment leurs fournisseurs français sur le même motif !

Cette pratique heurte déjà le bon sens en soi. Elle permet au Trésor d’effectuer le même redressement sur plusieurs acteurs de la chaîne. Mais l’administration va en plus refuser la déduction de la TVA d’amont aux contribuables. Or l’existence et le paiement de cette TVA ne font aucun doute.

Le seul argument que l’administration oppose dans ce cas est un argument de pure forme : l’absence de mention de la TVA au taux plein sur les factures d’acquisition.

En effet, aux termes de l’article 271.2 du CGI : « La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d’importation… »

Un arrêt de la CJUE qui rebat les cartes

Par une décision en date du 21 novembre 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) contredit cette position. Elle précise que même en l’absence de facture, la TVA peut être déduite. L’assujetti doit établir que les conditions de fond sont satisfaites, grâce à des preuves objectives.

Dans le cas qui nous intéresse, il ne fait guère de doute que ces conditions sont remplies. Cela découle de la motivation même des rectifications opérées par l’administration.

Il apparaît donc opportun aujourd’hui de contester ce type de redressement. Il conviendra de réclamer la déduction de la TVA sur les acquisitions en invoquant cette jurisprudence.

Les enjeux sont bien souvent considérables et peuvent aboutir à l’annulation pure et simple des redressements opérés.

Jean-Pascal MICHAUD

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