Régularisation des comptes à l’étranger

La régularisation fiscale est une matière changeante. Cet article d’avocat fiscaliste est mis à jour au 6 mars 2015.

L’affaire Cahuzac et l’émoi politique qui l’a suivie ont généré un retour au premier plan d’une question récurrente : la régularisation par les résidents fiscaux français des avoirs qu’ils détiennent sur des comptes bancaires à l’étranger (ou comptes offshore).

De plus, la pression mise par les Etats-Unis, puis par les gouvernements européens, sur les Etats traditionnellement attachés au secret bancaire, est en passe d’aboutir à une levée dudit secret dans la grande majorité des Etats. Celle-ci est aujourd’hui actée, notamment avec la Suisse et le Luxembourg que l’administration fiscale française peut aujourd’hui interroger au cas par cas.

De plus, un échange automatique des données entre progressivement en vigueur. Il est déjà applicable, depuis le 1er janvier 2015, au sein de l’Union Européenne (ce qui inclut donc le Luxembourg). Il sera généralisé à la plupart des autres Etats, et notamment à la Suisse, en 2017 ou 2018.

Un premier effet notable est d’ores et déjà obtenu. De nombreuses banques, tant en Suisse qu’au Luxembourg, ont demandé directement à ceux de leurs clients concernés de régulariser leur situation sous peine de voir leurs comptes clôturés d’office.

Enfin, le gouvernement français a saisi cette occasion pour durcir la répression contre la fraude et l’évasion fiscale. Il invite parallèlement les administrés à régulariser leur situation avant la publication.

Le cadre de cette régularisation a été redéfini par une circulaire en date du 21 juin 2013 dite circulaire Cazeneuve. Il a depuis été précisé, et durci, par deux circulaires complémentaires, en dates des 12 décembre 2013 (circulaire Cazeneuve 2) et  10 décembre 2014 (Circulaire Sapin).

La mise en oeuvre de cette circulaire est actuellement assurée par un service dédié au sein de la DNVSF, opérationnel depuis septembre 2013, et comprenant une cinquantaine d’inspecteurs des impôts. Il a pris le nom de «Service de traitement des déclarations rectificatives».

Sans entrer dans les détails de la règlementation fiscale, il convient d’exposer schématiquement les enjeux de cette régularisation.

Les résidents fiscaux de France sont tenus de déclarer, chaque année, les comptes qu’ils détiennent à l’étranger. Cette déclaration se fait en pratique sur un formulaire spécifique. Ils doivent également déclarer les revenus générés par ces comptes (dividendes, intérêts, plus-values etc…). La notion de compte est par ailleurs assez mal définie, le Tribunal administratif de Pau ayant récemment jugé que même les comptes «Paypal» pouvaient être concernés.

Le défaut de déclaration des comptes détenus à l’étranger est sanctionné par une amende (selon les cas 1500 ou 10000 euros ou encore 5% des sommes concernées). Elle peut s’avérer très lourde car elle est multipliée par le nombre d’années et le nombre de comptes.

De plus, les sommes présentes sur le compte sont présumées être des revenus, taxables à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales, avec une majorations de 40% et un intérêt de retard de 4,8% par an.

Enfin, l’administration peut décider d’engager des poursuites pénales pour fraude fiscale, ce qu’elle ne fait en pratique que dans les cas qu’elle juge les plus graves (environ un millier de plaintes par an).

Les personnes détenant un ou plusieurs comptes non déclarés à l’étranger se trouvent donc dans une situation de risque fiscal considérable, et peuvent légitimement s’interroger sur les conséquences d’une régularisation.

Nos interactions avec le service en charge des régularisations nous ont permis de constater que celui-ci fait une application stricte des circulaires.

Celles-ci prévoient la possibilité, pour les personnes souhaitant régulariser leur situation, de déposer des déclarations rectificatives sur les périodes non prescrites (à compter de 2007 en impôt sur la fortune, 2006 en impôt sur le revenu).

La bénéfice de la circulaire semble réservé aux comptes pour lesquels il est possible de démontrer l’origine des sommes déposées (successions ou donations, revenus perçus à une époque ou le titulaire du compte ne résidait pas en France). Dans ces cas, seuls les revenus produits par le compte sur la période non prescrite (intérêts, dividendes, plus-values) seront imposés.

Si le titulaire du compte est considéré comme «passif», c’est-à-dire s’il n’a pas alimenté celui-ci sur cette période, la majoration sera ramenée de 40 à 15%. Si le contribuable y a intérêt, les amendes de 1500 et 10000 euros peuvent être ramenées à 1,5% de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée.

S’il est considéré comme «actif», la majoration ne sera ramenée qu’à 30%, et les amendes à 3%.

En revanche, lorsqu’il sera impossible de démontrer cette origine, où lorsque l’on est en présence d’une fraude manifeste (activité occulte), les dispositions favorables de la circulaire ne semblent pas pouvoir être obtenues.

Dans ce cas, la taxation peut s’avérer extrêmement lourde (par exemple 60% de la valeur du compte, auxquels viendront s’ajouter les amendes, l’intérêt de retard et des pénalités pouvant atteindre 80% des droits). Le coût de la régularisation peut alors dépasser les montants disponibles sur les comptes, et ce sans garantie d’échapper à des poursuites pénales.

S’il est bien évident qu’en tant qu’auxiliaires de justice nous conseillerons toujours à nos clients de régulariser leur situation, il conviendra en revanche de s’interroger sur l’opportunité de se placer ou non dans le cadre des circulaires. En effet celles-ci n’ont pas de valeur légale et ne reflètent que la position de l’administration.

Chaque cas doit donc être étudié avec soin avant d’engager la procédure de régularisation, ne serait-ce que pour être en mesure de répondre aux questions que posera l’administration et d’assumer le coût financier du retour dans le cadre de la loi.

Dans les cas où l’application stricte de ce texte conduirait à une spoliation manifeste, une solution alternative peut être de déposer directement des déclarations rectificatives auprès de son centre des impôts habituel. Si l’administration engage des poursuites à la suite de ce dépôt, une contestation de celles-ci devant le juge de l’impôt pourra être envisagée. Imposition n’est pas spoliation.

Enfin, la régularisation doit se faire en deux temps. Dans un premier temps, il s’agit d’adresser STDR un courrier manifestant son intention de régulariser la situation. Ce courrier doit indiquer clairement le compte concerné et l’identité du déclarant.

Dans un deuxième temps, et dans des délais fixés par les circulaires, un dossier complet de régularisation, comprenant toutes les déclarations rectificatives, et leur justificatifs, doit être adressé à l’administration.

En tout état de cause, notre cabinet a constaté un fort mouvement de régularisation, ce que confirment les banques que nous devons solliciter pour obtenir les justificatifs demandés par l’administration.

L’administration fiscale est donc débordée est elle prend un temps conséquent pour traiter les dossiers (souvent environ un an pour la moyenne des dossiers que nous avons déposés pour nos clients, près d’une centaine à ce jour).

Jean-Pascal MICHAUD

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest